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CHAP. VI. — DE SEPTIME SÉVÈRE À DIOCLÉTIEN

déjà, il apparaît avec des traditions presque immuables, qu’il faut expliquer[1].

Ce qui constitue proprement le roman, tel que nous le trouvons en Grèce, c’est le récit développé d’une aventure d’amour. Par ses origines lointaines, il se rattache à l’essor que prit dans la période alexandrine la peinture des sentiments amoureux. Il dérive de l’élégie et de l’épigramme érotique, de l’idylle, de certaines scènes d’épopée, des contes milésiens, et de ces récits innombrables insérés alors dans l’histoire et la mythologie pour y introduire les sentiments à la mode[2]. Mais il procède surtout, et bien plus directement, des exercices d’école, de ces sujets inventés par la fantaisie subtile des rhéteurs, qui créaient des situations à leur gré, séductions, attaques de pirates et de brigands, enlèvements, séparations et reconnaissances, pour en tirer des matières de discours. C’est dans ces exercices en effet, que l’esprit grec a contracté le goût des aventures invraisemblables, des accidents multiplies et compliqués, des concours et des conflits de circonstances les plus étranges ; c’est là aussi qu’il a pris l’habitude de traiter les sentiments comme des thèmes oratoires et qu’il a constitué par conséquent les lieux communs de l’amplification romanesque. Ajoutons que, durant la même pé-

  1. L’étude capitale sur le roman grec est celle de E. Rohde, Der griechische Roman und seine Vorlaüfer. Leipzig, 1876. Elle avait été précédée en France par celle de Chassang, Histoire du roman et de ses rapports avec l’histoire dans l’antiquité grecque et latine, 2e éd., Paris, 1862. La définition du roman n’y étant pas assez précise, l’auteur a écrit plutôt l’histoire de la fiction, ce qui est assez différent. Cf. aussi Nicolaï, Ueber Entstehung und Wesen des Griechischen Romans, 2e édition, Berlin, 1867. Rappelons enfin, à cause du nom de l’auteur, l’étude de Villemain Sur les Romans grecs.
  2. On a voulu aussi autrefois le rattacher aux contes orientaux ; Huet, Lettre à Segrais sur l’origine des romans. Cette opinion paraît devoir être rejetée. Nous ne trouvons rien dans le roman grec qui ne s’explique par des antécédents helléniques.