Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/917

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
899
JULIEN

Il a l’âme dévote et chimérique d’un Jamblique ou d’un Ædésios, avec autant de force d’illusion.

Entre ses diverses œuvres, toutefois, celles qui représentent le mieux le fond de sa nature, ce sont celles où sa philosophie se fait agressive et satirique. Une certaine âpreté de raillerie, qui n’a pu se donner carrière que là, est en effet un des traits essentiels de son esprit.

La principale de ces œuvres satiriques était l’ouvrage aujourd’hui perdu Contre les Chrétiens, en trois livres[1]. Nous l’ignorerions entièrement, sans la réfutation que Cyrille d’Alexandrie en fit au siècle suivant. De cette réfutation, en trente livres, dix livres seulement ont subsisté : ce sont ceux qui se rapportent au premier livre de Julien : nous ne connaissons donc que le tiers de son ouvrage, et encore indirectement. Il l’avait écrit à Antioche, de 362 à 363, immédiatement avant sa campagne de Perse[2]. Il régnait alors depuis deux ans ; et depuis deux ans, comme empereur, il avait pu mesurer la force d’expansion du christianisme. Malgré cela, il paraît avoir cru qu’on pouvait encore lui opposer avec succès des raisonnements. Son plan embrassait la critique des antécédents du christianisme, c’est-à-dire de la tradition biblique et des prophètes, puis celle des évangiles, et peut-être enfin un examen historique de son développement. La première partie est la seule dont nous puissions juger. L’ouvrage avait été écrit vite, dans une sorte d’improvisation. Le ton était celui d’un pamphlet amer, moqueur et dédaigneux. Mais Julien connaissait bien l’ancien et le nouveau Testament, et il se ser-

  1. Juliani imperatoris librorum contra Christianos quæ supersunt ; avec des Prolégomènes, par Neumann, Leipzig, 1880.
  2. Libanios, Monodie sur Julien, Reiske, I, p. 513 ; Disc. funèbre, I, p. 581. Jérôme, lettre 70, témoignage qui semble indiquer, pour la composition de l’ouvrage, une date un peu plus tardive, mais qui a été bien expliqué par Neumann, ouv. cité, Prolég., p. 7.