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CHAP. VII. — L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

vait de ses connaissances en dialecticien. Autant qu’on peut en juger, il essayait surtout de démontrer qu’il y a autant de mythes dans la Bible que chez les poètes grecs ; que les prophéties ne visaient pas les événements racontés par l’Évangile, ou qu’elles ne peuvent s’y rapporter ; que la législation si vantée de Moïse est pleine de traits de barbarie ; que le Dieu de la Bible est injuste, jaloux, violent, inconstant : en un mot, que les idées morales et religieuses du judaïsme, dont le christianisme se donne pour l’héritier, ne sauraient être comparées à celles de l’hellénisme. L’admiration et l’amour de l’hellénisme, conçu comme l’expression la plus pure de la religion et de l’humanité, voilà en effet ce qui formait comme la doctrine fondamentale du livre, et ce qui mêlait à cette satire virulente un élément de beauté.

Nous retrouvons encore le satirique et le polémiste dans plusieurs autres ouvrages. — Deux de ses Discours (VI et VII) sont une vive attaque contre certains Cyniques contemporains, auquel il reproche de déshonorer la vraie philosophie. La critique y est âpre jusqu’à l’excès, mais animée d’un sentiment élevé, qui l’ennoblit. — En ce genre, le chef-d’œuvre de Julien est son Misopogon, composé à Antioche en 363. Aujourd’hui que l’ouvrage contre les chrétiens est perdu, aucun de ses écrits ne le fait mieux connaître. Antioche était à la fois une des métropoles du christianisme et la ville la plus luxueuse de l’Orient. Julien, avec de bonnes intentions, l’avait irritée par un édit de maximum, qui avait eu pour effet de rendre les approvisionnements difficiles. Le peuple, fâché contre lui, l’avait chansonné ; les moines s’en étaient mêlés : il en était résulté une hostilité profonde, formée de sentiments complexes. À ces chansons, Julien voulut répondre en homme d’esprit, en se moquant des railleurs. « L’ennemi de la barbe » (Μισοπώγων), c’est l’habitant d’Antioche, délicat, épris de luxe, de