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CHAP. VII. — L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

descriptif. Nulle étude de caractère ou de sentiment, nulle scène pathétique, nulle peinture poétique de la nature ou des hommes. L’intention du poète paraît avoir été simplement de rattacher la légende des Argonautes au cycle orphique, en constituent un récit où Orphée jouerait le rôle principal[1]. Mais ce rôle même n’a rien de vraiment intéressant ; car l’invention a manqué en cela comme en tout le reste : toute l’action d’Orphée consiste en chants, en prières, en cérémonies rituelles. Les aventures proprement dites sont fort écourtées, surtout dans la fin : pour l’auteur, l’intérêt n’était pas là.

Nous ignorons par qui ces poèmes ont été composés. Mais il est certain qu’ils n’ont pu naître et se faire apprécier que dans un cercle fort restreint. Ce sont des œuvres d’école et de secte ; elles s’adressent à des lettrés qui sont en même temps des initiés. Jamais le grand public n’a pu y chercher le genre de satisfaction qu’on demande en général à la poésie.

Si celle-ci a eu vraiment quelque succès au ive siècle, c’est plutôt, en dehors de l’épopée, sous la forme d’épigrammes, de chants anacréontiques, de courtes et légères compositions, poèmes de société et de circonstances. Mais comme il est impossible, en ce genre, de distinguer ce qui est propre à chaque siècle, nous embrasserons toute cette poésie dans son ensemble, au chapitre suivant, à propos de sa dernière floraison dans l’entourage de Justinien.

VII

D’une manière générale, l’infériorité littéraire du polythéisme, relativement au christianisme, est frappante au ive siècle. Il y a dans l’église chrétienne, en ce temps,

  1. Voir le préambule.