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CHAP. VII. — L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

de la littérature, c’est d’avoir développé, avec logique et hardiesse, les principes d’exégèse et la tendance critique de son maître. Dans un écrit perdu, dont le titre même n’est pas sûr, il avait traité de l’opposition entre l’interprétation allégorique et l’interprétation historique (De allegoria et historia contra Origenem, dans Facundus, Patrol. lat., LXVII, 602). Nul n’a été plus résolument opposé que lui aux chimères de l’exégèse par allégories. Mais son rationalisme ne s’en tenait pas là. Il eut le jugement assez hardi pour nier qu’une grande partie des psaumes eussent en vue le Messie ; il discuta l’inspiration de certaines parties des Écritures ; il voulut même distinguer en Jésus-Christ deux personnes, pour éviter d’avoir à admettre qu’une personne divine eût pu souffrir et mourir. Il fut ainsi l’initiateur direct du Nestorianisme, et les conciles qui condamnèrent Nestorios le frappèrent en même temps d’anathème après sa mort. Pour les Nestoriens d'Orient, Théodore de Mopsueste est resté « l’exégète » par excellence ; et, pour la critique moderne, sa hardiesse fait de lui un des personnages les plus intéressants de ce temps.

Inférieur certainement en originalité et en étendue d’esprit aux deux docteurs d'Antioche, Épiphane est peut-être plus connu, grâce à ses ouvrages subsistants[1]. Né en Judée vers 315, il se rendit savant dans les langues de l’Orient. Après un séjour en Égypte, il dirigea à Éleuthéropolis, non loin de Jérusalem, de 325 environ à 367, un cloître dont il fit un foyer d’études. Appelé en 367 à l’évêché de Constantia (l’ancienne Salamine) dans l’île de Cypre, il y résida jusqu’à sa mort en 403. L’Origénisme n’eut pas, au ive siècle, d’adversaire plus acharné que lui. Ardent à en poursuivre la trace,

  1. S. Jérôme, De vir. ill., 114 ; Suidas, Ἐπιφάνιος ; Photius, cod. 122 et 123. Bardenhewer, § 54 ; Batiffol, p. 301. Voir aussi Aug. Thierry, S. Jean Chrysostôme.