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CHAP. VII. — L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

ioniques majeurs et brisés, etc. Dans deux morceaux seulement, rompant avec la tradition, il s’est essayé à la versification dite « rythmique », qui est fondée, non sur la quantité des syllabes, mais sur leur nombre et sur la place des accents (Ὕμνος ἑσπερινός, Poèmes, l. 1, sect. 1, 321 et Πρὸς παρθένον παραινετικός, l. I, sect. 2, 3.

Pour apprécier le génie de Grégoire de Nazianze, nous devons, tout de suite et résolument, faire bon marché de cette prétendue poésie[1]. Non qu’il n’y eût en lui un réel instinct de poète. Son âme, pensive et recueillie, aimante et mystique, sa sensibilité vive, son imagination brillante, auraient pu, si elles eussent pris de bonne heure cette direction, s’exhaler en méditations harmonieuses. Mais les habitudes de sa pensée et de son style, formées par l’art oratoire et la théologie, résistaient à l’inspiration. Sa phrase, nette, précise, antithétique, n’avait ni l’élan, ni la mollesse, ni la liberté qui conviennent au rêve. Quand le sujet demandait le laisser-aller, l’abandon de la pensée entraînée par les images, l’indécision charmante et fugitive des impressions, l’orateur qui était en lui tendait aux formules impérieuses, le moraliste aux instructions circonstanciées, le théologien aux distinctions abstraites et subtiles. Dans les passages où sa poésie est religieuse, elle a le tort de rappeler de trop près les canons des conciles ; dans ceux où elle est personnelle, elle hésite entre la chronique sèche et le sermon.

C’est donc à ses discours, uniquement, qu’il y a lieu de s’arrêter. Et sur ce sujet même, disons d’abord que, malgré son titre de « théologien », Grégoire, fût-ce dans ses exposés de théologie, ne montre pas plus que Basile, cette originalité forte du penseur qui crée des idées neuves ou transforme les anciennes par des aperçus propres. Comme philosophe, il n’a été qu’un disciple et un défen-

  1. Villemain l’a singulièrement surfaite dans l’ouvrage déjà cité.