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entendant, malgré vous, ce qu’Obrig a dit à Jarvis ; oui, ce doit être cela : sur le moment vous êtes sorti, pour qu’il n’y ait pas de témoin de ce qui allait se passer entre Jarvis et vous, vous avez attendu le départ d’Obrig, celui de ces deux ouvriers, puis vous êtes revenu, vous avez sommé votre fondé de pouvoir, votre ami en qui vous aviez une aveugle confiance, vous l’avez mis en demeure de vous avouer la vérité.

— Mais c’est de la folie…

— Taisez-vous ! Alors vous trouvant acculé à la ruine, vous avez dit toute votre pensée à celui qui en était l’artisan, peut-être l’avez-vous injurié, frappé ! Jarvis n’était pas un homme à se laisser faire impunément, il a dû se défendre, un couteau, une arme s’est trouvée par hasard sous votre main et sans même vous rendre compte, de votre acte, vous avez tué…

— Moi, j’ai…

— Oui, Weld, vous avez tué. Le mobile qui nous échappait, dit Suttner en se levant, nous l’apercevons maintenant nettement ! Comme nous le savons tous ici, vous êtes un honnête homme : en apprenant que vous aviez été trahi, dupé, volé par celui en qui vous mettiez toute votre confiance, par l’homme que vous aimiez, que vous vénériez comme un second père, vous n’avez pu maîtriser votre indignation, votre colère, vous avez vu rouge. Que la scène qui a eu lieu alors se soit passée comme vient de le dire le général, peu importe, mais elle s’est terminée par un meurtre, et peut-être y a-t-il à votre action d’autres excuses encore que nous ne pouvons deviner ! Dites-les, mais ne continuez pas à soutenir contre toute évidence que vous êtes innocent de la mort de Jarvis !

— Mais je vous jure encore une fois sur ce que j’ai de plus cher au monde, que je suis innocent de ce meurtre. Je viens d’apprendre à l’instant les vols, l’abus de confiance dont je suis victime, je vous le jure encore !

— Allons, Weld, dit brutalement le général, ne cherchez pas à nous égarer encore. Dites-nous plutôt franchement ce qui s’est passé. Peut-être avez-vous des droits à notre indulgence, mais avouez.

— Alors, général, en votre âme et conscience vous me croyez coupable ?

— Cela ne peut même pas se discuter !

— Vous aussi, Suttner ?

— Oui, Weld ; quand je suis revenu tout à l’heure à la banque, je vous l’ai dit, j’en étais venu à douter de ce que vous fussiez coupable ! Mais, je vous ai dit aussi, rappelez-vous mes paroles : « je douterai tant que je n’apercevrai pas le mobile qui peut vous avoir fait agir ». Or, le mobile m’apparaît et tout vous accuse. Vous avez tué Jarvis dans un moment de fureur, en apprenant qu’il vous avait ruiné.

— Mais en admettant que cela soit, pourquoi mentirais-je devant vous. Le général, monsieur Obrig, vous Suttner, vous êtes tous trois mes amis. Si je dois trouver des excuses, de l’indulgente pitié, c’est auprès de vous que je suis sûr de la trouver, alors pourquoi persisterais-je à mentir, à crier que je suis innocent de ce meurtre !

— Parce que vous aimez miss Cécil, et que si, en tant qu’hommes, nous pouvons vous absoudre, vous savez bien que le général Kendall ne donnerait pas sa fille à un meurtrier, même si ce meurtre était excusable.

— Ainsi, dans votre esprit, je suis jugé ? Quoi que je dise, je suis coupable ! Alors qu’en avouant je suis sûr de bénéficier d’un peu de votre indul-