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et que j’essaie de rattraper votre argent ?

— Si vous voulez, et Marius lui remit deux cent cinquante francs.

Stockton les prit avec le sourire agaçant dont il le poursuivait et s’assit en disant :

— Nous allons voir si le changement de joueur change la veine.

Marius aurait bien voulu rester pour assister aux premiers coups, mais il se rappela que Ketty tenait à ce qu’on lui obéisse, et il se résigna — de bonne grâce — à quitter la table de jeu.

En somme, sa perte était minime ; deux à trois cents francs, ce à quoi il fallait ajouter l’argent laissé à Stockton, cela constituai son gain de tout l’après-midi. Mais les méridionaux supportent difficilement la perte. Exubérants lorsqu’ils gagnent, blaguant alors volontiers leurs adversaires, ils sont profondément vexés lorsque la chance les abandonne, non pas tant à cause de l’argent perdu, mais surtout parce qu’ils ne peuvent admettre que la fortune leur soit adverse.

Aussi Marius, gai comme un pinson pendant le dîner, avait il, en arrivant au salon une figure longue d’une aune.

— Qu’est-ce que vous avez ? lui demanda Ketty.

— Rien.

— Ne mentez pas. Vous avez joué et vous avez perdu !

— Une bêtise.

— Une bêtise pour un homme du Midi, ça doit être assez considérable, avec votre manie d’exagérer dans l’un ou l’autre sens. Seriez-vous joueur ?

— Mais non.

— Je vous le conseille, car si vous êtes joueur, j’aime autant vous le dire, adieu tous nos beaux projets ! Jamais je n’épouserai un joueur, même si je l’aimais. Et vous savez, je suis une femme décidée.

— Je vous assure que je ne le suis pas. De temps en temps une petite partie de poker ou d’écarté, quelques parties de billard… une manille…

— Oui, vous le dites ! Cependant, aujourd’hui, vous n’avez pas quitté le bar et les cartes ! Méchant Marius, vous vous êtes mis à jouer, au lieu de venir m’entendre chanter ! Comme c’est gentil à vous !

— Vous avez raison, ma chère Ketty, je ne jouerai plus, et… vite, dit-il, en s’interrompant, dites-moi un chiffre ?

— Pourquoi ?

— Je vous le dirai ensuite, vite, je vous en prie ! Un chiffre ?

— Eh bien, 19. Mais pourquoi ?

— A, B, C… S. Stokton parle de moi, regardez l’heure, 10 heures et demie.

— Qu’est-ce que cela veut dire ?

— Voici. J’entends de temps à autre des bourdonnements, des tintements, si vous aimez mieux, dans les oreilles. C’est un signe assurément que quelqu’un parle en bien ou en mal de moi quelque part.

— Vous êtes fou.

— Mais non, je suis très sérieux. Vous en aurez la preuve, vous dis-je. Je vous ai demandé un chiffre. Ce chiffre, vous croyez que c’est le hasard qui vous l’a fait dire, erreur, c’est le destin.

— Le destin ?

— Oui, oui. Ce chiffre correspond à une lettre, lettre qui, écoutez-moi bien, est la première du nom de la personne qui parle de moi.

— Mais, mon petit Marius, encore une fois, vous êtes fou !

— Non, je vous assure. Vous ver-