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nanciers similaires français par plusieurs particularités, dont la moindre paraîtrait une innovation extraordinaire chez nous.

Tout d’abord, le silence. Alors qu’en France vous entendez un bourdonnement continu, des appels de numéros, des conversations tenues à haute voix, aux États-Unis, vous croiriez, en pénétrant dans n’importe quelle banque, entrer dans une église, ou tout au moins dans un lieu de recueillement.

Le public, absolument séparé des employés, est prévenu dès son entrée du guichet auquel il doit s’adresser ; là, point de paroles inutiles, pas de perte de temps, pas de ces vérifications de compte qui durent des demi-heures. Tout est réglé d’avance pour aller régulièrement vite et pour n’exiger entre employés et clients que les paroles strictement nécessaires.

Marius se fit annoncer.

M. Georges Weld l’attendait dans son bureau.

L’aspect de celui-ci fut un autre sujet d’étonnement pour Boulard. Au lieu de ces salons luxueux qu’habitent les directeurs des grands établissements de crédit européens, une pièce très-simple, spacieuse, aux murs nus, presque glaciale.

Deux bureaux, celui de M. Weld et celui du fondé de pouvoirs, M. Jarvis ; trois ou quatre chaises en plus des deux fauteuils de ces messieurs, au fond de la pièce une porte de grandeur moyenne, celle d’un coffre fort évidemment ou pour préciser d’une « chambre forte », car le plus souvent — et c’était ici le cas — les coffres sont remplacés par des chambres blindées, merveilles de construction mécanique, où toutes les précautions les plus minutieuses sont prises pour mettre les valeurs en caisse à l’abri de toute éventualité.

Pas de rideaux aux fenêtres, grillées. Seuil luxe, ensuite le pratique avait-il ci-bas sur l’ornementation, une double porte, laissant entre chaque battant un espace suffisant pour que le son des voix ne put être entendu dans la pièce précédente.

M. Georges Weld, le directeur actuel de la maison sociale fondée trente-cinq ans auparavant par son père, mort depuis trois ans déjà, reçut admirablement Marius.

Il avait été prévenu de l’arrivée de ce dernier par une lettre reçue l’avant-veille, et envoyée directement de France.

Dans cette lettre, le ministre, ami personnel du banquier — ils s’étaient connus à Paris, sur les bancs de l’école de Droit — accréditait auprès de lui Marius Boulard et lui envoyait un chèque de dix mille francs pour le cas où Marius aurait besoin d’argent.

— Alors, monsieur, vous avez été volé sur le bateau ?

— Volé est beaucoup dire, puisque mon filou n’a pu me prendre que ma lettre de crédit sur votre banque et que le mal est réparé. Voici encore une autre lettre de votre ami le ministre ; celle-ci m’a été laissée, et j’y tenais plus encore qu’à l’autre, puisqu’elle me présente à vous.

Marius tendit à Weld une enveloppe.

— En effet, cher monsieur, mon ami vous recommande encore de la façon la plus flatteuse, il m’avertit en outre que vous êtes chargé, vis-à-vis de moi, d’une mission secrète. Voulez-vous me dire de quoi il s’agit ?

— Puis-je parler en toute confiance ?

— Nous sommes seuls, mon fondé de pouvoirs, monsieur Jarvis, est absent, et tout a été calculé pour que ce qui se dit ici ne puisse être entendu du dehors.