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LE COFFRET DE SANTAL


C’est fièrement, d’abord, que je m’en suis allé
Pensant qu’aux premiers froids, je serais consolé.

                                   

Simulant l’insouci, je marchais par les rues.
Toutes, nous les avions ensemble parcourues !

Je n’ai pas même osé fuir le mal dans les bois.
Nous nous y sommes tant embrassés autrefois !

Fermer les yeux ? Rêver ? Je n’avais pas dans l’âme
Un coin qui n’eût gardé l’odeur de cette femme.

                                   

J’ai donc voulu, sentant s’effondrer ma raison,
La revoir, sans souci de sa défloraison.

Mais, je n’ai plus trouvé personne dans sa forme.
Alors le désespoir m’a pris, lourd, terne, énorme.

Et j’ai subi cela des mois, de bien longs mois,
Si fort, qu’en trop parler me fait trembler la voix.

                                   

Maintenant c’est fini. Souvenir qui m’opprimes,
Tu resteras, glacé, sous ton linceul de rimes.