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PASSÉ

Arrivée après moi, s’en est allée avant.

Et j’écoute les chants tristes que dit le vent.

La mouche désœuvrée et la fourmi hâtive
Ne veulent pas qu’aux bois l’on rêve et l’on écrive ;
Aussi les guêpes, les faucheux, les moucherons…
Je vais, le long des blés, cueillir des liserons
À la suavité mystérieuse, amère,
Comme le souvenir d’une joie éphémère.

Les champs aussi sont pleins d’insectes affairés,
Foule de gens de tous aspects, de tous degrés.
Noir serrurier, en bas, le grillon lime et grince.
Le frelon, ventru comme un riche de province,
Prend les petites fleurs entre ses membres courts.
Les papillons s’en vont à leurs brèves amours
Sous leurs manteaux de soie et d’or. La libellule
Effleure l’herbe avec un dédain ridicule.
C’est la ville.
                Et je pense à la ville, aux humains,
Aux fiers amis, aux bals où je pressais ses mains ;
Malgré que la bêtise et l’intrigue hâtive
N’y souffrent pas non plus qu’on rêve et qu’on écrive.