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FANTAISIES EN PROSE

Alors, à Paris, le gaz s’allume. L’été, le gaz, brillant parmi les arbres des jardins, donne aux feuilles qu’on ne voit qu’en dessous, des tons verts et mats de décor de féerie. L’hiver, le gaz dans le brouillard raconte tous les délires du soir : le thé, le vin chaud dans les familles, la bière et les nuages de tabac dans les cafés, les orchestres qui font tourbillonner, à leur respiration vibrante, les élégances de toutes classes,

Ou encore la nuit de travail : la lampe, le coin du feu, aucune obsession bruyante.

Puis les étalages s’éteignent. Les réverbères officiels ont seuls le droit de jeter leur lueur austère.

Les passants deviennent plus rares. On rentre. Les uns pensent à la chambre tranquille, au lit à rideaux (bon endroit pour mourir) ; les autres regrettent l’agitation interrompue et s’étourdissent de chants et de cris en plein air. Quelques querelles d’ivrognes.

Des dames en capeline sortent des soirées honnêtes ; des vendeuses de volupté chuchotent leurs offres, modestes à cause de l’heure avancée.

On marche. On écoute ses propres pas. Tout le