Page:Cros - Le Coffret de santal, 1879.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
CHANSONS PERPÉTUELLES

                                                       La mer
Aux bateaux goudronnés laisse un parfum amer
Qui parle des pays lointains où le vent mène.
Le Fleuve, insoucieux de l’industrie humaine,
Continue à travers la campagne. La nuit
S’avance triomphante et constellée, au bruit
Des feuilles que l’air frais emperle de rosée.

Puis, au matin, encore une ville posée
Dans la plaine, bijou de perle sur velours
Vert, dont tous ces coteaux imitent les plis lourds ;
Des fermes aux grands toits, bas et moussus, tapies
Au bord des prés sans fin où voltigent les pies,
Richesses qu’à mi-voix ce paysan pensif
Évalue en fouettant son vieux mulet poussif.

Le Fleuve s’élargit toujours, tant, que les rives
Perdent vers l’horizon leurs lignes fugitives.
Les coteaux abaissés, le ciel agité, l’air
Murmurant et salé, proclament que la mer
Est là, terme implacable à la folle équipée
De l’eau, qui vers le ciel chaud s’était échappée.

La mer demande tout fantasque, et puis, parfois
Refuse les tributs du Fleuve, limon, bois,