Page:Cultru - Un empereur de Madagascar au XVIIIe siècle - Benyowszky.djvu/154

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ses indélicatesses ; on ne comprendrait pas, s’il n’avait eu certaines séductions de figure, d’esprit, qu’il ait pu faire tant de dupes parmi des hommes qui n’étaient ni des sots ni même des gens crédules ; on ne comprendrait pas qu’ayant écrit la page qu’on vient de lire, Bellecombe et Chevreau aient pu ajouter ces mots : « Il est difficile de rencontrer un homme plus extraordinaire dans ses idées et dans ses propos que M. le baron de Benyowszky. Le désir de commander et le despotisme paraissent ses deux passions favorites. L’envie de guerroyer et de faire usage de son sabre l’anime et l’échauffe souvent et comme par accès ; enfin, l’ultima ratio regum (c’est la devise de ses canons) est un de ses préceptes favoris ; à ces dispositions qui semblent naturelles chez M. le baron de Benyowszky et qui le sont en effet, il réunit une force de tempérament et une trempe d’âme peu commune. Ajoutons-y ses premières inclinations, d’abord abbé, ensuite page, puis garde-marine, servant après l’empereur le roi de Pologne, ensuite, finalement, les confédérés. Fait prisonnier par les Russes, il est conduit au Kamtchatka. Que l’on fasse attention à la manière très remarquable qu’il a employée pour quitter cet exil, le bonheur qu’il a eu jusqu’à ce jour de résister à ce climat-ci et l’on verra que ce colonel hongrois âgé de 37 ans est fait et destiné pour les grandes aventures. »

On voit que l’honnête Bellecombe, que l’honnête Chevreau, bien que prévenus par leur enquête même contre les récits du baron, n’avaient pas manqué d’ajouter foi à ce qu’il leur avait conté sur sa vie passée. C’est pour eux qu’il voulut bien se dire abbé, page et garde-marine. Il se donna la peine de leur faire comme une part personnelle dans l’ample trésor de ses mensonges, car ce sont là trois fables qu’il a inventées pour eux seuls.