Page:Cultru - Un empereur de Madagascar au XVIIIe siècle - Benyowszky.djvu/18

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débordante passion ; le 10, 20 associés nouveaux entrent dans la conspiration ; ce jour-là, Nilov, qu’on trouvera sans doute bien mal renseigné, nomme Benyowszky chef de tous les exilés. Tant d’événements peuvent-ils se passer en dix jours ? L’auteur des Mémoires ne se pose pas ces questions : c’est qu’il eût été peut-être difficile d’y répondre. Le 12 décembre, Benyowszky, avec 16 exilés, va à la chasse à l’ours ; ces redoutables animaux que les chasseurs russes et kamtchadales n’abordaient qu’avec les plus grandes précautions, au risque du plus grave péril, devant ce nouveau Nemrod, semblent des lièvres timides : en une journée, il en tue 8. Le 15 décembre, 98 matelots chasseurs de phoques lui proposent d’enlever leur vaisseau et de s’échapper avec lui : ils oublient tous, évidemment, qu’en décembre les ports du Kamtchatka sont fermés par la glace et qu’une évasion par mer n’est possible qu’en mai. Le 9 janvier 1771, péripétie nouvelle : le baron est déclaré libre par Nilov pour avoir dénoncé un complot contre le gouvernement. Or, des récits du capitaine King, il ressort que le gouverneur, en 1779, n’avait pas le droit de changer la résidence d’un exilé ni même d’augmenter les allocations fixées pour lui. Il paraît qu’il en était autrement dix ans plus tôt. Nilov va même beaucoup plus loin : il demande pour le banni qu’il protège et qui devait le payer de tant d’ingratitude le titre de lieutenant général de la police, il lui accorde la main de sa fille, il l’autorise à fonder une colonie au cap Lopatka, et même les exilés qui s’y établiront seront déclarés libres comme ayant rendu service à l’État. Le hetman des Cosaques, le naïf Kolossov, convient avec le baron de faire la conquête de la Californie ; le baron sera gouverneur du Kamtchatka, Nilov gouverneur d’Okhotsk, le hetman aura les îles Aléoutiennes et l’on priera le Sénat de Saint-Pétersbourg de sanctionner les faits accomplis. Pour célébrer son extraordinaire fortune, le baron donne une fête aux marchands de Bolsheretzk : il paraît au milieu du bal, vêtu d’un habit de satin rouge brodé d’or, offert par les exilés, qui sont eux-mêmes aussi richement vêtus. Admirons le changement