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quatre ans après, Aublet se moquait encore sans pitié du mémorable échec de Poivre : celui-ci sans doute s’était laissé duper par les Tagals. Il rentra en France en 1758 et réclama à la Compagnie des Indes des dédommagements pour ses peines ; il reconnaissait pourtant qu’elles avaient été inutiles. Étant devenu commissaire général des îles, il réalisa son dessein. Il fit partir en mai 1769 la corvette la Vigilante, commandée par le lieutenant de vaisseau Trémigon, et le both l’Étoile du matin, commandé par M. d’Etchevery, lieutenant de frégate, qui avait avec lui le sieur Provost. Les deux bâtiments passèrent à Mindanao, à Yolo, puis se séparèrent pour tenter, en longeant les nombreuses îles de l’archipel, d’obtenir ces graines et ces plants si jalousement gardés ; ils finirent par acheter à deux petits chefs de Céram 400 muscadiers, 70 girofliers, 1,000 muscades et une caisse de baies de girofles germées. Une seconde expédition de Provost avec deux autres bâtiments en 1771 et 1772 fut aussi fructueuse ; les plants furent répartis entre Bourbon, l’île de France et Cayenne et y réussirent parfaitement.

Poivre avait trouvé les îles dans la plus triste situation. La guerre, la présence des escadres, la cessation du commerce avaient ruiné les habitants. Il commença par leur adresser un discours plein de sages pensées, plein d’onction philosophique mais mieux fait sans doute pour de paisibles académiciens de province que pour des négriers et des corsaires. Mais il ne paraît pas avoir trouvé dans le gouverneur Dumas un homme capable de le comprendre ; il n’était pas satisfait non plus de son sort ; il se plaignait d’être dans la misère à cause de la cherté de toutes choses. Bien qu’il eût un traitement de 24,000 livres par an, il demandait au ministre, en des lettres gémissantes, de lui assurer du pain. Fort honnête personnellement, semble-t-il, il accusait Dumas d’avoir peuplé son habitation d’esclaves et de bœufs achetés avec les effets du roi ; dans une lettre confidentielle au duc de Praslin, il assurait que Dumas n’avait ni