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prodigue de mémoires et de promesses, Modave semblait ne pas agir et ne faisait pas de commerce. Le 30 août 1769, il écrivait encore en France, mais pour obtenir le grade de brigadier, l’autorisation d’acquérir des nègres avec les marchandises du roi et une augmentation de ses appointements. Il réclamait l’artillerie, les soldats, les ouvriers et les colons dont il avait parlé l’année précédente. Desroches lui ayant permis sans difficulté de faire passer aux îles des esclaves sur les vaisseaux et aux frais du roi, il usa si amplement de la permission qu’il crut devoir s’en excuser : « Ci-joint, lui écrit-il, la liste des noirs que j’ai fait embarquer sur la Garonne à mon compte. Le nombre me paraît considérable, mais je présume que l’intérêt que vous daignez prendre au rétablissement de mes affaires vous en fera porter un autre jugement. » Il n’avait donc pas interrompu la traite comme on l’a dit à tort. Le 2 septembre 1769, Desroches envoya en France des observations à tout fait défavorables à l’établissement de Fort-Dauphin. Il lui fut trop facile de mettre en regard les merveilles promises par Modave et la médiocrité des résultats acquis. En un an, sur un effectif d’environ 130 hommes, on en avait perdu 21. On n’avait reçu que très peu de bœufs, bien que Modave eût proposé d’en interdire le commerce dans le sud de l’île, afin de former plus facilement un troupeau. En conséquence l’ordre fut donné par le ministre d’évacuer le Fort-Dauphin et la petite colonie fut relevée en octobre 1779.

Modave attribua son échec à la mauvaise volonté de Desroches ; il eût été plus juste d’on chercher la cause dans ses propres exagérations. Lui eût-on donné en hommes et en argent tout ce qu’il demandait, il n’eût jamais égalé dans la réalité les rêves qu’il avait conçus par la lecture de Flacourt. « Il ne nous est venu, disait Desroches, ni coton, ni acier, ni gomme, ni résine. » Et, certes, il n’en pouvait venir en un an d’une île sauvage, même si l’on y eût trouvé des mines et des forêts vierges. Desroches eût été bien injuste s’il eût reproché la stérilité d’une entreprise ni neuve à un chef qui n’eût