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SUR MADAME NECKER

toires et conquêtes de la galanterie même vénale, avaient encore beaucoup de courtisans, où l’approche de la Révolution n’avait pas encore mis la vertu à la mode, et où l’on ne gagnait à la pratiquer qu’une satisfaction de conscience tempérée peut-être par la crainte d’un certain ridicule.

Cette crainte troubla moins que toute autre Mme Necker, qui avait pris de bonne heure, comme son mari, le parti de ne rechercher que les suffrages honorables, et qui, tout en devenant Française par l’esprit, était demeurée franchement Genevoise ou plutôt Vaudoise par le cœur. Du reste, il faut convenir que si elle eut le mérite et brigua surtout l’honneur d’être une épouse modèle et une mère exemplaire, cette noble ambition fut particulièrement bien servie par les circonstances, car elle était la femme de Jacques Necker, le financier philanthrope, le politique philosophe, le ministre réformateur, qui apporta pour son honneur et son malheur, dans la pratique des hommes et l’exercice du pouvoir, les illusions généreuses et dangereuses d’un esprit dogmatique ; et elle fut la mère de Germaine Necker, future Mme de Staël, la femme qui a eu le plus d’idées et de passions viriles et dont le talent a le plus approché du génie.