Page:Curchod - Réflexions sur le divorce, 1881.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
SUR MADAME NECKER

coup de foudre. Il se rangea du nombre des adorateurs platoniques qui faisaient cercle, dans les assemblées et à la comédie, autour de la jeune et spirituelle enchanteresse, et le soir, en rentrant, il écrivit sur son journal cette note sentimentale et classique : « J’ai vu Mlle  Curchod. Omnia vincit amor, et nos cedamus amori. » C’est ainsi que, contrairement à toutes les prévisions de la sagesse humaine qui, dans la personne des pères de la réalité comme dans celle des pères de la comédie, est parfois si malignement contrariée par le hasard, le séjour de pénitence à Lausanne devint un séjour de délices ; c’est ainsi que Gibbon fut récompensé par ce qui devait le punir et qu’il faillit ramener une épouse des lieux où son père l’avait simplement envoyé pour réfléchir à son incartade et reprendre, comme il le fit en effet, la religion protestante, que, dans un accès de fièvre papiste, il avait quittée. Voici le portrait que trace Gibbon, dans ses Mémoires, de celle qui l’initia la première aux plaisirs innocents et aux honnêtes desseins de l’amour platonique. Bien que tracé par un amoureux et un amoureux pour le bon motif (il n’était pas homme à en avoir, ni elle fille à en souffrir un autre), le portrait est, à cette date, aussi fidèle que flatteur.