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PIERRE CURIE

ne se soumettait pas à la réglementation de l’effort intellectuel imposée par l’école, La difficulté qu’il éprouvait à suivre ce régime était généralement attribuée à une certaine lenteur de l’esprit. Lui-même se croyait d’intelligence lente et il lui arrivait fréquemment de le dire. Je crois pourtant que cette expression n’est pas entièrement justifiée ; il me semble plutôt que, dès son jeune âge, ses facultés mentales l’obligeaient à concentrer sa pensée sur un objet déterminé avec une assez grande intensité, jusqu’à en obtenir un résultat précis — sans qu’il lui eût été possible d’interrompre et de modifier le cours de ses réflexions au gré des circonstances extérieures. Il est clair qu’un esprit de cette nature peut contenir en lui de grandes possibilités d’avenir, mais il est non moins évident qu’aucun système d’éducation n’a été prévu par l’école publique pour cette catégorie intellectuelle, qui cependant compte plus de représentants qu’on pourrait le croire à première vue.

Fort heureusement pour Pierre Curie, qui ne pouvait être, on le voit, un brillant élève, ses parents avaient une intelligence suffisamment éclairée pour se rendre compte de cette difficulté ; ils ne s’obstinèrent point à demander à leur fils un effort qui eût été préjudiciable à son développement. Si donc l’instruction première de Pierre Curie fut nécessairement irrégulière et incomplète, elle eut l’avantage de ne point peser sur son intelligence pour la déformer selon des dogmes, préjugés ou idées préconçues. De cette éducation si libérale, Pierre Curie conserva toujours à ses parents un souvenir reconnaissant.