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PERSONNALITÉ ET CARACTÈRE

doit s’intéresser aux choses et non aux personnes. Toute idée d’émulation était si contraire à son sentiment, qu’il la condamnait même sous la forme de concours ou de classement dans les lycées, aussi bien que sous la forme de distinctions honorifiques. Ses conseils et ses encouragements ne faisaient jamais défaut à ceux qu’il croyait aptes au travail scientifique, et certains lui en conservent une profonde reconnaissance.

Si son attitude était celle d’un homme d’élite ayant atteint le plus haut sommet de la civilisation, ses actes étaient ceux d’un homme vraiment bon, doué d’un sentiment de solidarité humaine intimement lié à sa formation intellectuelle, plein de compréhension et d’indulgence. On le trouvait toujours disposé à aider dans la mesure de ses moyens toute personne dans une situation difficile, et même à employer pour cela une partie de son temps, ce qui pour lui était le plus grand des sacrifices. Son désintéressement était si spontané qu’on songeait à peine à le remarquer, les moyens matériels ne pouvant servir, à son point de vue, qu’à assurer, en dehors d’une existence simple, la possibilité d’aider les autres et de travailler selon ses goûts.

Que dire enfin de son amour pour les siens et de ses qualités d’ami ? Son amitié qu’il donnait rarement était sûre et fidèle, car elle reposait sur une communauté d’idées et d’opinions. Plus rare encore a été le don de son affection, mais combien ce don a été complet envers son frère et envers moi-même ! Sa réserve coutumière pouvait céder à un abandon qui laissait s’établir l’harmonie et la confiance. Sa