Page:Curwood - Kazan, trad. Gruyer et Postif.djvu/234

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fait un gel intense, Épouvantée de la nuit sinistre qui l’étreignait, elle passait ses griffes sur ses yeux clos, comme pour les ouvrir à la lumière.

Pendant l’après-midi, elle alla errer dans le bois. Mais elle eut peur et ne tarda pas à revenir sur la grève du fleuve, et se blottit contre le tronc d’arbre près duquel Kazan enchaîné avait dormi sa dernière nuit. L’odeur de son compagnon était là plus forte qu’ailleurs et, là encore, le sol était souillé de son sang.

Pour la seconde fois, l’aube se leva sur la cécité solitaire de Louve Grise, Comme elle avait soif, elle descendit jusqu’à l’eau et y but. Quoiqu’elle fût à jeun depuis deux jours, elle ne songeait point à manger.

Elle ne pouvait voir que le ciel était noir et que dans le chaos de ses nuages sommeillait un orage. Mais elle éprouvait la lourdeur de l’air, l’influence irritante de l’électricité, dont l’atmosphère était chargée, et qui s’y déchargeait en zigzags d’éclairs.

Puis l’épais drap mortuaire s’étendit, du sud et de l’ouest, jusqu’à l’extrême horizon, le tonnerre roula et la louve se tassa davantage contre son tronc d’arbre.

Plusieurs heures durant, l’orage se déchaîna au-dessus d’elle, dans le craquement de la foudre, et accompagné d’un déluge de pluie. Lorsqu’il se fut enfin apaisé, Louve Grise se secoua et, sa pensée toujours fixée vers Kazan qui était bien loin déjà à cette heure, elle recommença à flairer le sable. Mais l’orage avait tout lavé, le sang de Kazan et son odeur. Aucune trace, aucun souvenir ne restaient plus de lui.

L’épouvante de Louve Grise s’en accrut encore et, comble de misère, elle commença à sentir la faim qui lui tenaillait l’estomac. Elle se décida à s’écarter du fleuve et à battre le bois à nouveau.

À plusieurs reprises, elle flaira divers gibiers qui, chaque fois, lui échappèrent. Même un mulot dans