Page:Curwood - Kazan, trad. Gruyer et Postif.djvu/47

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le premier son emprise et roulerait sur la neige, pour être dévoré ?

Ce fut Kazan qui, réunissant toutes ses forces en un effort désespéré, réussit à se redresser sous l’étreinte de son adversaire et, d’un mouvement violent, à s’arracher de ses mâchoires.

Puis, sitôt qu’il fut libre, il s’élança contre le grand loup qui, la patte cassée, se trouvait en un équilibre instable. En une botte pleine d’à-propos, il le frappa en plein flanc. L’animal perdit pied, roula sur le dos, et la horde aussitôt bondit sur lui, hâtive de se repaître de son ancien chef dont le pouvoir et la force n’étaient plus.

Laissant la meute hurlante, aux lèvres sanglantes, dévorer le vaincu, Kazan se retira à l’écart, haletant et fort mal en point lui-même. Sa faiblesse était extrême et son cerveau tant soit peu trouble.

Il éprouvait le besoin de se coucher sur la neige. Mais l’atavique et sûr instinct de sa conservation l’avertissait de ne pas s’abandonner à ce désir.

Comme il était là, il vit une jeune louve grise qui, souple et svelte, s’avançait. Elle commença par se coucher devant lui, d’un air de soumission, puis se releva vivement et se mit à renifler ses blessures.

C’était une jolie bête, bien découplée. Mais Kazan ne lui prêta point attention. Il était bien trop occupé à regarder disparaître l’ancien chef, dont craquaient les os, comme avaient craqué ceux du caribou, et dont la chair et la peau s’en allaient en lambeaux.

Un orgueil montait en lui, qui lui disait qu’il était digne désormais des nouveaux frères qu’il s’était donnés. Désormais, quand il lancerait son hurlement à la lune et aux étoiles, parmi le grand Désert Blanc, les sombres chasseurs aux pattes rapides ne manqueraient plus de lui répondre et d’accourir !

Comme ses forces étaient un peu revenues, après