Page:Curwood - Kazan, trad. Gruyer et Postif.djvu/54

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qui l’avaient si longtemps mis en servage. Il se remit à trotter lentement, côte à côte avec Louve Grise, s’arrêtant seulement, tous les trois ou quatre cents yards, pour renouveler son appel.

Une forme grise et bondissante, qui arrivait par derrière, ne tarda pas à rejoindre le couple. Une autre suivit. Puis deux autres, à droite et à gauche. Et au cri d’appel de Kazan succéda, entre les loups rassemblés, un jacassement varié de voix rauques. La petite troupe s’accrut peu à peu et, à mesure qu’elle devenait plus nombreuse, son allure se faisait plus rapide. Quatre, six, sept, dix, quatorze…

La bande ainsi constituée, qui atteignait l’espace découvert où se trouvait le traîneau et que balayait le vent, était composée de bêtes adultes et fortes. Louve Grise était la plus jeune parmi ces hardis chasseurs et son museau ne quittait pas l’épaule de Kazan.

La horde était devenue silencieuse. On n’entendait que le halètement des respirations et le battement mou des pattes sur la neige. Les loups allaient très rapidement, en rangs serrés. Et toujours Kazan les précédait, de la longueur d’un bond, avec Louve Grise à son épaule.

Pour la première fois de sa vie, il ne redoutait plus l’homme, ni le gourdin et le fouet, ni la chose mystérieuse qui crachait au loin le feu et la mort. Et, s’il courait si vite, c’était afin de surprendre plus tôt son vieil ennemi, de plus tôt lui livrer bataille. Toute la compression de sa fureur, durant quatre ans d’esclavage et d’abus de la force, se détendait à travers ses veines, en courants de feu. Et, quand enfin il avait aperçu au loin, sur la plaine neigeuse, de petits points noirs qui se mouvaient, le cri qui sortit de sa gorge avait été si étrange que Louve Grise n’avait pas compris ce qu’il signifiait.