Page:Curwood - Le Piège d’or, trad. Postif et Gruyer, 1930.djvu/80

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« Pourquoi, diable, rester ainsi boutonné ? Pourquoi ne parles-tu pas ? Je ne suis plus à tes trousses, à cette heure. La police te croit mort et je n’ai nulle envie de te trahir. Pourquoi ne pas t’humaniser un peu ? Où allons-nous et pourquoi, tonnerre… »

Il n’acheva pas. La tête de Bram s’était rejetée en arrière, sa large bouche s’était fendue jusqu’aux oreilles et le rire inouï en avait jailli. Mais ce n’était plus, cette fois, un rire méchant et tragique. C’était un vrai rire, tout naturel, et auquel Bram se laissait aller librement. Il prit le fusil et, sous les yeux de Philip, en ouvrit la culasse. La chambre à cartouches était vide.

Philip en demeura paralysé. Bram avait mis la tentation sous sa main pour l’éprouver !

Le stratagème ne manquait pas de logique, ni d’ingéniosité. Il était le fait d’un homme sain d’esprit. Mais déjà les yeux de Bram Johnson étaient redevenus hagards. La folie remontait en lui, prête à le faire basculer dans ses insondables abîmes.

Ayant remis en place le fusil, Bram, à l’aide d’un grand couteau, commença à tailler en morceaux la chair du caribou. Il avait décidé, sans aucun doute, que l’heure du déjeuner commun était arrivée. À chacun des loups il distribua une portion de viande, et s’en adjugea une tranche à lui-même, qu’il dévora crue. Il avait laissé