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L’ŒUVRE DE RICHARD WAGNER À PARIS

chise, la sincérité de ses récits du premier acte, et la variété des effets nés de cette spontanéité, de cette mobilité même du caractère de Siegmund, constituaient une évolution de vie qu’on ne se lassait pas de suivre et de pénétrer. Souvenez-vous du sentiment de détresse mystérieuse qui l’étreignait en prononçant ces mots de son récit : « Mon père… avait… disparu !… » et de l’élan irrésistible avec lequel il enlevait toute la conclusion glorieuse de ce premier acte ! Rappelez-vous l’intensité pathétique de son émotion dans la scène du second, où lui apparaît Brunnhilde !

Delmas a remporté sa plus belle victoire avec le personnage de Wotan. Cette soirée a été comme le coup de barre décisif de sa carrière, pourtant déjà si valeureuse. Physique et voix, son talent mettait en valeur les dons les mieux appropriés au rôle, et l’on ne pouvait rêver évocation plus complète du dieu : ampleur et sobriété, énergie, lorsqu’il croit encore à la réalisation de ses desseins, grandeur simple quand il doit s’incliner devant des arrêts plus forts que les siens, son personnage était souverainement beau. La scène finale, avec Brunnhilde, et l’incantation du feu, qui couronne le drame, étaient dites dans un style incomparable.

L’apparition de Lucienne Bréval ne lui pas moins glorieuse : son jeune talent, presque à ses débuts, s’épanouissait dans ce fier rôle de la Valkyrie avec une flamme audacieuse, une passion vibrante, une harmonie de visage et de gestes qui étaient vraiment de toute beauté. C’est dans cet ensemble de qualités, cette sûreté d’exécution, que prennent leur prix les élans, les cris de la vierge guerrière, trop souvent « vulgarisés ». L’exubérance de son personnage offrait d’ailleurs le plus juste contraste avec la noblesse