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L’ŒUVRE DE RICHARD WAGNER À PARIS

Aussi bien, l’œuvre wagnérienne nous appartient. Je ne veux pas seulement dire par là qu’elle est désormais à tous, que les années écoulées depuis la mort de Wagner l’ont libérée légalement, et qu’elle ne nous rend plus tributaire de nos ennemis. Je tiens qu’elle est à nous par droit de conquête, parce qu’elle est devenue l’une des gloires de nos scènes lyriques, et parce que nous l’avons mise en valeur aussi bien, et mieux parfois, que partout ailleurs. Je vais plus loin. Je prétends qu’elle n’a été nulle part mieux appréciée et plus réellement aimée qu’en France.

… À qui trouverait quelque paradoxe en cette assertion, je rappellerai ce mot de Nietzsche : que « l’une des conditions nécessaires pour goûter l’art wagnérien est la délicatesse, la finesse artistique des cinq sens, et qu’elle ne se rencontre qu’à Paris ». Ou, mieux encore, les déclarations de Wagner même (lettre à Gabriel Monod, en 1876) que les festivals de Bayreuth « ont été jugés par les Français avec plus de justesse et d’intelligence que par la grande majorité de la presse allemande » ; et plus tard, à propos de la représentation des Maîtres Chanteurs à Munich (en 1879) : « Il est remarquable que ce furent les quelques spectateurs français, qui y assistaient, qui reconnurent, dans toute sa vivacité, l’élément populaire de mon œuvre et l’acclamèrent comme tel : alors que rien, au contraire, ne trahit une pareille impression sur le public munichois que j’avais eu surtout en vue[1] ».

  1. Il est amusant d’en rapprocher ici cette anecdote personnelle que conta jadis Louis de Fourcaud, le fin et original critique, dans un article sur Bayreuth. À la nouvelle de ces mêmes représentations des Maîtres, à Munich,