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L’ŒUVRE DE RICHARD WAGNER À PARIS

Mais, pour aimer la musique de Wagner sans réellement la connaître, combien d’entre nous en étaient ! Moi, du moins. Je l’admirais, je l’aimais, certes, comme ébloui par ce flot lumineux de vie et de poésie que j’y entrevoyais. Mais je n’en ai vraiment été épris, et ému, que lorsque je l’ai entendue au théâtre, dans son ambiance spéciale, dans son action vibrante, telle qu’elle a été conçue. Et encore, peu à peu, à mesure que je la connaissais mieux. Tant il est vrai qu’admirer et comprendre, aimer et connaître, ne vont pas toujours ensemble. Par exemple une conséquence originale de cette évolution, c’est qu’on se trouve plus foncièrement « wagnérien » à mesure que la mode de l’être décroît et disparaît. Il n’y a, du reste, pas de mal à cela : on a conscience de n’avoir, à aucun moment, pris parti sans savoir, et cessé d’écouter afin de mieux connaître : et cette satisfaction n’est pas méprisable.

Oh ! nos belles années de passion musicale désintéressée, de lutte pour le beau sans étiquette, pour l’art tout court…, quand les retrouverons-nous ? Oh ! les temps héroïques où les concerts dominicaux vibraient de toute la fièvre d’attente, de satisfaction et de joie apportée par l’exécution des chefs-d’œuvre, nouveaux pour le public, et qu’il s’agissait de lui faire comprendre, de Bach à Berlioz, de Beethoven à Wagner !… Avec quelle religion nous nous y préparions, avec quelle foi nous les suivions, avec quelle exigence nous en réclamions la parfaite mise en valeur !

Chez Colonne, dans la trop grande salle du Châtelet, l’admiration était bruyante et combative : l’air était comme chargé d’électricité… Chez Lamoureux, on concentrait ses impressions : dans les enceintes du Château-d’eau, de l’Eden, du Cirque