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L’ŒUVRE DE RICHARD WAGNER À PARIS

eu trop souvent, jusqu’alors, avec Pasdeloup, qu’une esquisse, un à peu près de L’œuvre, et L’on goûtait enfin à son extraordinaire source de vie.

On y goûtait seulement, car, après tout, c’était encore faute de mieux. Wagner le déclarait un jour à Louis de Fourcaud, qui me l’a répété : ces succès de concert, dont on lui faisait remarquer l’enthousiasme croissant, il ne les appréciait qu’assez peu. Il allait jusqu’à dire qu’ils trahissaient son œuvre et en évoquaient à faux l’esprit véritable.

C’est sans doute dans la même pensée qu’il formulait, devant le même auditeur, la boutade suivante : En France, trois sortes de personnes s’occupent de moi, si je ne me trompe : celles qui connaissent ma musique, et qui sont rares ; celles qui ne la connaissent pas et qui l’aiment ; et celles qui la détestent sans la connaître.

Il exprimait ainsi, en termes sobres, une observation des plus justes. Mais, pour être tout à fait exact, il eût pu distinguer encore deux autres classes d’auditeurs. D’une part, ceux qui, sans connaître sa musique, ne se contentaient pas de la détester, mais mettaient tout en œuvre pour lui susciter des adversaires et la dénigraient par principe ; de l’autre, ceux qui, croyant la connaître, faisaient litière, à son profit, de toutes les autres, et par un autre principe, pensaient l’exalter en lui donnant des allures d’intransigeance et de domination.

Et l’on peut se demander par qui des deux la cause de Wagner a été le plus trahie ? Comme dit le fabuliste :

Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami
Mieux vaudrait un sage ennemi.