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TRISTAN ET ISOLDE.

mais au théâtre du Château-d’eau, en 1902, dans une série d’exécutions patronnées (comme celles de 1899) par la Société des Grandes Auditions musicales. Cette fois, c’est Alfred Cortot, pour ses débuts au pupitre (alternant avec le Crépuscule des Dieux), qui dirigeait, à son honneur, les représentations. La première eut lieu le 1er juin. On y applaudit de nouveau Félia Litvinne, avec Mme  Olitzka, Brangaine d’une belle sincérité, Henri Albers, nerveux Kurwenal et Daraux, consciencieux Marke. Mme  Ada Adiny fut aussi une belle Isolde, au geste large, à la voix passionnée. Dalmorès incarna Tristan avec fougue, mais sans simplicité : exagérant la netteté rythmique des chanteurs allemands, il donnait à sa diction une allure heurtée, saccadée, qui ôtait tout style à son admirable personnage. Le vrai régal de ces soirées fut l’apparition, unique malheureusement, d’Ernest Van Dyck. Celui-là savait prendre les qualités de l’école lyrique allemande et non ses défauts ; surtout, il savait être lui-même, et l’avait déjà prouvé dans Tristan en Angleterre et en Amérique. Nous le retrouverons à l’Opéra.

Sur notre première scène, c’est deux ans plus tard que l’œuvre fut installée au répertoire, le 14 décembre 1904, sous la direction très soigneuse, très minutieuse (un peu trop peut-être) de Taffanel. Chose curieuse, une fois de plus, l’interprétation manquait un peu d’équilibre et décevait sans qu’on s’en rendît trop compte : si bien même, que l’impression ne s’imposa pas, d’un succès durable comme celui des précédentes partitions. Ce drame emporté de passion, frémissant d’une lutte surhumaine, semblait languir par instant et manquer d’accent. C’est que l’ampleur sonore, l’exquis nuancé et la beauté de timbre d’Alvarez,