Page:Curzon - L’Œuvre de Richard Wagner à Paris et ses interprètes, Sénart.djvu/96

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dans Tristan, ne pouvaient évoquer que le côté extérieur de ce rôle admirable, et que celui qui forçait les applaudissements par les plus séduisantes qualités vocales, c’était en somme Alvarez et non Tristan même. Cependant Isolde était supérieurement rendue par Louise Grandjean, qui peut-être n’avait encore jamais paru autant à son avantage : la souplesse de son jeu fier et tendre, la sûreté de sa diction, la chaleur de son émotion, furent des plus appréciables. À côté d’elle, Rose Féart incarnait une Brangaine un peu jeune, et de voix trop semblable à celle d’Isolde, mais dont les appels dans la nuit étaient d’une harmonieuse beauté. Delmas vivait un Kurwenal excellent, joyeusement rude au premier acte, attentif, affectueux, fraternel au troisième : enfin André Gresse ne méritait que des éloges dans le roi Marke, dont il savait rendre avec tact la noblesse douloureuse et dont il articulait à merveille le grave langage.

Cependant le vrai « départ » de l’œuvre date de la prise de possession du héros Tristan par Van Dyck, quelques mois plus tard, le 10 avril. De la vie prodigieuse dont il l’imprégnait, étude d’âme telle qu’on en a bien rarement vue sur la scène lyrique, mais d’ailleurs aussi des enseignements que son expérience avait données aux répétitions, — et dont ses camarades avaient été profondément impressionnés, — toute la représentation se ressentit, dans la salle comme sur la scène. J’ai déjà dit combien cet artiste agissait directement, « portait » sur le public : jamais cet effet ne fut plus éclatant. Il suffira, sans insister outre mesure, de rappeler l’expression concentrée, la finesse, puis l’ampleur, de son dialogue avec Isolde au premier acte ; l’élan affolé d’abord, puis caressant, de leur scène au second ; enfin tout