Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/102

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pense à regarder sous le canapé ! Les papiers restent intacts. Ma mère se garde de jeter les yeux du côté où elle les a si précipitamment et si mal cachés. Enfin elle sort et monte en fiacre avec trois hommes armés, qui la mènent rue de Vaugirard, aux Carmes, dans ce couvent changé en prison, et dont les murs trop fameux étaient encore teints du sang des victimes massacrées au 2 septembre 1792.

Cependant l’ami qui l’attendait à la barrière, voyant l’heure du départ passée, ne doute pas un instant de l’arrestation de ma mère, et, laissant à tout hasard un de ses frères à la place indiquée, il court sans hésiter au bureau de la diligence, afin d’empêcher Nanette de partir avec moi pour Strasbourg ; il arrive à temps ; on me ramène chez nous : ma mère n’y était plus !… déjà les scellés avaient été apposés sur son appartement ; on n’avait laissé de libre que la cuisine, où ma pauvre bonne établit son lit près de mon berceau.

En une demi-heure tous les domestiques avaient été forcés de déguerpir, toutefois non sans trouver le temps de piller le linge et l’argenterie ; la maison était déserte et démeublée ; on eût dit d’un incendie : c’était la foudre.

Amis, parents, serviteurs, tout avait fui ; un fusilier défendait la porte de la rue ; dès le lendemain un gardien civique fut substitué à l’ancien portier ; ce