Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/110

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J’ai lu dans les Mémoires du temps la mort toute semblable d’une vieille dame traînée de la province à Paris. Les mêmes iniquités se répétaient ; la férocité ne varie guère dans ses effets, pas plus que dans ses causes. La lutte entre le bien et le mal soutient l’intérêt du drame de la vie ; mais quand le triomphe du crime est assuré, la monotonie rend l’existence accablante, et l’ennui ouvre la porte de l’enfer, Le Dante nous peint, dans un des cercles de ses damnés, l’état des âmes perdues, mais dont les corps, mus par un démon qui s’en est emparé, paraissent encore vivants sur la terre. C’est le plus énergique et en même temps le plus philosophique emblème qu’on ait jamais imaginé pour montrer les résultats du crime et le triomphe du mauvais principe dans le cœur de l’homme.

Dans la même chambrée était la femme d’un farceur qui montrait les marionnettes ; tous deux avaient été arrêtés, disaient-ils, parce que leur polichinelle était trop aristocrate, et qu’il se moquait du père Duchesne en plein boulevard.

La femme avait une extrême vénération pour les grandeurs déchues ; grâce à ce respect, les nobles prisonnières retrouvaient sous les verrous les égards dont elles avaient été entourées naguère dans leur propre maison.

La femme du peuple les servait pour le seul plaisir de leur être agréable ; elle faisait leur chambre, leur