Aller au contenu

Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/111

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lit ; elle leur rendait gratuitement toutes sortes de soins, et n’approchait de leurs personnes qu’avec les témoignages du plus profond respect ; au point que les prisonnières, ayant déjà perdu l’habitude de cette politesse d’autrefois, crurent pendant quelque temps qu’elle se moquait, mais la pauvre femme périt tout de bon avec son mari, et, en prenant congé de ses illustres compagnes, qu’elle croyait ne précéder que de peu de jours sur l’échafaud, elle n’oublia pas un seul instant d’user de toutes les formules d’obéissance surannée qu’elle aurait employées autrefois pour leur demander une grâce. À l’entendre parler avec tant de cérémonie, on aurait pu se croire dans un château féodal, chez une châtelaine entichée de l’étiquette des cours. À cette époque, ce n’était qu’en prison qu’une citoyenne française pouvait se permettre tant d’audacieuse humilité ; la malheureuse ne craignait plus de se faire arrêter. Il y avait quelque chose de touchant dans le contraste que le langage de cette femme, commune d’ailleurs, faisait avec le ton et les paroles des geôliers, qui croyaient se relever par leur brutalité. Les prisonniers se réunissaient à certaines heures dans une espèce de jardin ; là tout le monde se promenait ensemble, et les hommes jouaient aux barres.

C’était ordinairement pendant ces moments de récréation que le tribunal révolutionnaire envoyait chercher les victimes. Si celle qu’on appelait était