Aller au contenu

Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ouvre la cage ; hommes, femmes, jeunes, vieux, tous sont heureux comme des écoliers en vacances : les mêmes personnes, à leur retour, ont des figures longues, sombres, tourmentées ; leur langage est bref, leur parole saccadée ; ils ont le front soucieux : j’ai conclu de cette différence qu’un pays que l’on quitte avec tant de joie et où l’on retourne avec tant de regret, est un mauvais pays.

— Peut-être avez-vous raison, repris-je ; mais vos remarques me prouvent que les Russes ne sont pas aussi dissimulés qu’on nous les dépeint ; je les croyais plus impénétrables.

— Ils le sont chez eux ; mais ils ne se méfient pas de nous autres bons Allemands, » dit l’aubergiste en se retirant et en souriant d’un air fin.

Voilà un homme qui a bien peur d’être pris pour un bonhomme ! pensai-je en riant tout seul…… Il faut voyager soi-même pour savoir combien les réputations que font aux divers peuples les voyageurs, souvent légers dans leurs jugements par paresse d’esprit, influent sur les caractères. Chaque individu en particulier s’efforce de protester contre l’opinion généralement établie à l’égard des gens de son pays.

Les femmes de Paris n’aspirent-elles pas au naturel, à la simplicité ? Au surplus, rien de plus antipathique que le caractère russe et le caractère allemand.