Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/173

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toutes les exhortations de sa famille, de sa maîtresse et des prêtres. On appelle une ancienne camarade : celle-ci dit quelques mots, et la moribonde, parfaitement docile, se hâte de remplir, avec une résignation et une ferveur édifiantes, tous ses devoirs religieux. Ces mots, les voici : Quoi donc ? Eh bien donc ! Fi donc ! Allons donc ! Mademoiselle !

Persuadé comme cette demoiselle mourante, j’étais à trois heures sonnantes sur le vaisseau encore à l’ancre, apportant dans le bâtiment le frisson, le mal de cœur, et un inexprimable regret de l’acte de faiblesse dont je me rendais coupable. Mille pressentiments funestes m’assaillirent alors, et j’arrangeais malgré moi d’avance toutes les scènes lugubres que ces pressentiments m’annonçaient.

On lève l’ancre : je baisse la tête et me couvre les yeux de ma main, dans un excès de désespoir stupide. A peine les roues ont-elles commencé à tourner qu’il se fait en moi une révolution aussi soudaine, aussi complète qu’inexplicable. Vous me croirez, car vous êtes habitué à me croire ; d’ailleurs, quel motif aurais-je d’inventer une histoire qui n’a pour elle que la vérité ? Vous me croirez donc, et si je publie ceci, mes lecteurs me croiront comme vous, sachant que je me trompe quelquefois, mais que je ne mens jamais. Bref, les douleurs, les frissons se dissipent ; la tête s’éclaircit ; la maladie s’évanouit comme une vapeur,