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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/174

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et je me trouve subitement en parfaite santé. Ce coup de baguette m’a tellement surpris que je n’ai pu me refuser le plaisir de vous en décrire les effets. La mer m’a guéri du mal de mer : ceci s’appelle de l’homéopathie en grand.

À la vérité, depuis que nous sommes embarqués le temps n’a pas cessé d’être admirable….

Près de quitter Travemünde, au plus fort de mes angoisses et comme on allait lever l’ancre, je vis arriver sur le bâtiment où j’étais venu m’établir d’avance, un homme âgé, très-gros : il se soutenait avec peine sur ses deux jambes énormément enflées, sa tête, bien posée entre ses larges épaules, me parut noble ; c’était le portrait de Louis XVI. J’appris bientôt qu’il était Russe, descendant des conquérants Varègues, et par conséquent de la plus ancienne noblesse ; il s’appelait le prince K***.

En le voyant se traîner péniblement vers un tabouret, et s’appuyer sur le bras de son secrétaire, j’avais pensé d’abord : voilà un triste compagnon de voyage ; mais en l’entendant nommer, je me rappelai que je le connaissais de réputation depuis longtemps, et je me reprochai l’incorrigible manie de juger sur l’apparence.

À peine assis, ce vieillard, à la physionomie ouverte, au regard fin, bien que noble et sincère, m’apostrophe par mon nom, quoique nous ne nous fus-