Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/181

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à notre déférence, nous redeviendrons naturellement pour ainsi dire involontairement polis. Malgré la réserve que je mettais dans mes ré ponses au prince K ***, l’ancien diplomate fut bien tôt frappé de la direction de mes idées : Vous n’êtes ni de votre pays, ni de votre temps, me dit-il ; vous êtes l’ennemi de la parole comme levier poli tique.

— C’est vrai, lui répliquai-je, tout autre moyen de découvrir la valeur des hommes me paraîtrait préférable à la parole publique dans un pays où l’amour propre est aussi facile à éveiller qu’il l’est dans le mien. Je ne crois pas qu’il se trouve en France beaucoup d’hommes d’un caractère assez ferme pour ne pas sacrifier leurs opinions les plus chères au désir de faire dire qu’ils ont débité un beau discours.

— Cependant, reprit le prince russe libéral, tout est dans la parole : l’homme tout entier et quelque chose de supérieur à lui-même se révèlent dans le discours : la parole est divine !

— Je le crois comme vous, répliquai-je, et voilà pourquoi je crains de la voir prostituée.

— Quand un talent comme celui de M. Canning, reprit le prince, captivait l’attention des premiers hommes de l’Angleterre et du monde, la parole poli tique était quelque chose, Monsieur.

— Quel bien a produit ce brillant génie ? Et quel