Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/182

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mal n’eût-il pas fait, s’il eût eu pour auditeurs des esprits faciles à enflammer ? La parole employée dans l’intimité comme un moyen de persuasion, la parole secrètement appliquée à changer la direction des idées, à diriger la conduite d’un homme ou d’un petit nombre d’hommes, me paraît utile, soit comme auxiliaire, soit comme contre-poids du pouvoir ; je la crains dans une assemblée politique nombreuse et dont les délibérations sont doublement publiques ; par les discours prononcés en présence de la foule et par le rapport que le lendemain les journaux font de cette scène dont ils centuplent l’effet. C’est ainsi qu’on fait souvent triompher les vues courtes et les idées, communes aux dépens des pensées élevées et des plans profondément médités. Imposer aux nations le gouvernement des majorités, c’est les soumettre à la médiocrité. Si tel n’est pas votre but, vous avez tort de vanter le gouvernement de la parole. La politique du grand nombre est presque toujours timide, avare et mesquine ; si vous m’opposez l’exemple de l’Angleterre, je vous dirai que ce pays n’est pas ce qu’on croit qu’il est : il est vrai que dans les chambres on décide les questions à la majorité, mais cette majorité du parlement représente l’aristocratie du pays, qui, depuis longtemps, n’a cessé qu’à de bien courts intervalles de diriger l’État. D’ailleurs, à combien de mensonges la forme parlementaire n’a-t-elle pas fait