Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/184

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venons cosmopolites dès que nous sortons de chez nous, et cette disposition d’esprit est déjà une satire contre notre gouvernement !!!… »

Ici, malgré l’habitude qu’il a de parler franc sur toutes choses, le prince eut peur de moi, de lui même, surtout des autres, et il se jeta dans des aperçus assez vagues.

Je ne me fatiguerai pas inutilement la mémoire à vous reproduire les formes d’un dialogue devenu trop peu sincère pour qu’il pût suppléer aux idées par l’éclat de l’expression, qui, je dois le dire, ne lui manquait jamais. Plus tard, le prince profita d’un moment de solitude pour achever de me développer son opinion sur le caractère des hommes et des institutions de son pays. Voici à peu près ce que j’ai retenu de ses déductions :

« La Russie est à peine aujourd’hui à quatre cents ans de l’invasion des barbares, tandis que l’Occident subi la même crise depuis quatorze siècles : une civilisation de mille ans plus ancienne met une distance incommensurable entre les mœurs des nations.

« Bien des siècles avant l’irruption des Mongols, les Scandinaves envoyèrent aux Slaves, alors tout à fait sauvages, des chefs qui régnèrent à Novgorod la grande, et à Kiew, sous le nom de Varègues ; ces héros étrangers, venus avec une troupe peu nombreuse, furent les premiers princes des Russes, et