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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/212

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À cette nouvelle, la peur que chacun avait dissimulée à sa manière, se trahit par l’explosion d’une gaieté générale. Tous racontèrent ce qu’ils avaient pensé, redouté ; tous rirent les uns des autres ; ceux qui avouèrent le plus naïvement leurs craintes furent les plus épargnés ; ainsi cette soirée commencée tristement, se prolongea dans les plaisanteries les plus piquantes, dans les danses et les chants jusqu’à plus de deux heures du matin.

Le respect scrupuleux que je professe pour la vérité, me force à vous avouer qu’en cette occasion, l’attitude, la physionomie, le langage, toute la conduite enfin de notre capitaine hollandais n’a que trop confirmé à mes yeux le mal que j’avais entendu dire de lui avant de m’embarquer sur son bord.

Au moment de nous séparer pour le reste de la nuit, le prince K*** m’adressa des compliments sur le plaisir que je paraissais prendre à ses récits : on reconnaît l’homme bien élevé, disait-il, à la manière dont il a l’air d’écouter.

« Prince, lui répliquai-je, le meilleur moyen d’avoir l’air d’écouter, c’est d’écouter. »

Cette réponse répétée par le prince fut vantée au delà de son mérite. Rien n’est perdu, et chaque pensée double de valeur avec des personnes spirituellement bienveillantes.

Le charme de l’ancienne société française tenait