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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/213

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surtout à l’art de faire briller les autres ; c’est pour tant cette société perdue qui nous valut autant de conquêtes qu’en ont fait la bravoure de nos soldats et le génie de nos généraux. Il faut plus de finesse d’esprit pour louer que pour dénigrer ; qui sait tout apprécier ne dédaigne rien et se refuse la moquerie ; mais où l’envie domine, le dénigrement prend la place de tout : c’est de la jalousie qui prend le masque du bon sens ; le faux bon sens est toujours moqueur : tels sont les mauvais sentiments qui aujourd’hui chez nous conspirent contre l’agrément de la vie sociale. A force de simuler le bien, la vraie politesse le réalisait.

Voici deux histoires qui vous prouveront combien l’attention dont on me loue est peu méritoire.

Nous passions tantôt devant l’île de Dago à la pointe de l’Esthonie. L’aspect de cette terre est triste, c’est une froide solitude, la nature y paraît stérile et nue plutôt que puissante et sauvage ; elle semble vouloir repousser l’homme par l’ennui plus que par la force. « Il s’est passé là une étrange scène, nous dit le prince K***.

— À quelle époque ?

— Il n’y a pas bien longtemps : c’était sous l’Empereur Paul.

— Contez-nous-la. »

Le prince prit la parole….. mais moi je suis fati-