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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/219

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leurs yeux, rencontraient la mort en croyant trouver un abri contre l’ouragan.

« Vous jugez que la police de la mer était mal faite alors en Russie.

« Dès qu’un vaisseau était près de naufrager, le baron descendait sur la plage, s’embarquait en secret avec quelques hommes habiles et déterminés qu’il entretenait pour le seconder dans ses expéditions nocturnes ; il recueillait les marins étrangers, les achevait dans l’ombre au lieu de les secourir, et après les avoir étranglés, il pillait leur bâtiment ; le tout moins par cupidité que par pur amour du mal, par un zèle désintéressé pour la destruction.

« Doutant de tout et surtout de la justice, il regardait le désordre moral et social comme ce qu’il y avait de plus analogue à l’état de l’homme ici-bas, et les vertus civiles et politiques comme des chimères nuisibles, puisqu’elles ne font que contrarier la nature sans la dompter

« Il prétendait, en décidant du sort de ses semblables, s’associer aux vues de la Providence qui se plaît, disait-il, à tirer la vie de la mort.

« Un soir, vers la fin de l’automne, à l’époque des plus longues nuits de l’année, il avait exterminé, selon sa coutume, l’équipage d’un vaisseau marchand hollandais ; et depuis plusieurs heures les forbans qu’il nourrissait à titre de gardes, parmi les serviteurs