Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/225

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cet instinct de réalité que vous attribuez au grand romancier tient à ce qu’il est souvent commun ? Que de détails superflus ! que de dialogues vulgaires !… Et malgré cela, ce qu’il y a de plus exact dans ses peintures, c’est l’habit de ses personnages et l’arrangement de leur chambre.

— Ah ! je défends mon Walter Scott, s’écria le prince K***, je ne permets pas qu’on insulte un écrivain si amusant.

— C’est justement le genre de mérite que je lui refuse, repris-je, un romancier qui a besoin d’un volume pour préparer une scène est tout autre chose qu’amusant. Relisez Gil Blas, vous verrez ce que c’est qu’un écrivain divertissant, et dont la facilité n’ôte rien à la profondeur. Walter Scott est bien heureux d’être venu à une époque où l’on ne sait plus ce que c’est que de s’amuser.

— Comme il peint le cœur humain ! s’écria le prince D*** (car tout le monde était contre moi).

— Oui, répliquai-je, pourvu qu’il ne le fasse point parler ; car l’expression lui manque dès qu’il touche aux sentiments passionnés et sublimes ; il dessine admirablement les caractères par l’action, car il a plus d’habileté, plus d’observation que d’éloquence ; talent philosophique et profond, esprit méthodique et calculateur, il est venu dans son temps et il en a mer-