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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/231

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suis assez sûr de moi pour ne jamais faire honte au sang des Romodanowsky, ni avant, mi après l’exécution de mon enfant. »

« Le Czar, je le dis à sa louange, céda ; mais par vengeance contre l’esprit indépendant de l’aristocratie moscovite, il fit de Pétersbourg non un simple port sur la mer Baltique, mais la ville que nous voyons. Nicolas, ajouta le prince K***, n’eût pas cédé ; il eût envoyé le boyard et son fils aux mines, et déclaré, par un ukase conçu dans des termes légaux, que ni le père ni le fils ne pourraient avoir d’enfants ; peut-être aurait-il décrété que le père n’avait point été marié : il se passe de ces choses en Russie assez fréquemment encore, et ce qui prouve qu’il est toujours permis de les faire, c’est qu’il est défendu de les raconter. »

Quoi qu’il en soit, l’orgueil du noble moscovite donne parfaitement l’idée de la singulière combinaison dont est sortie la société russe actuelle : ce composé monstrueux des minuties de Bysance et de la férocité de la horde, cette lutte de l’étiquette du Bas-Empire et des vertus sauvages de l’Asie a produit le prodigieux État que l’Europe voit aujourd’hui debout, et dont elle ressentira peut-être demain l’influence sans pouvoir en comprendre les ressorts.

Vous venez d’assister à l’humiliation du pouvoir arbitraire, bravé de front par l’aristocratie. Ce fait et