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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/242

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d’un continent dépeuplé par les rigueurs du climat. Là, des côtes stériles sont en harmonie avec une mer froide et vide, et la tristesse du sol, du ciel, la teinte froide des eaux, glace le cœur du voyageur.

À peine va-t-il toucher à ce rivage peu attrayant qu’il voudrait déjà s’en éloigner ; il se rappelle en soupirant le mot d’un favori de Catherine à l’Impératrice qui se plaignait des effets du climat de Pétersbourg sur sa santé : « Ce n’est pas la faute du bon Dieu, Madame, si les hommes se sont obstinés à bâtir la capitale d’un grand Empire dans une terre destinée par la nature à servir de patrie aux ours et aux loups ! »

Mes compagnons de voyage m’ont expliqué avec orgueil les récents progrès de la marine russe. J’admire ce prodige sans l’apprécier comme ils l’apprécient. C’est une création ou plutôt une récréation de l’Empereur Nicolas. Ce prince s’amuse à réaliser la pensée dominante de Pierre Ier ; mais quelque puissant que soit un homme, il est forcé tôt ou tard de reconnaître que la nature est plus forte que tous les hommes. Tant que la Russie ne sortira pas de ses limites naturelles, la marine russe sera le hochet des Empereurs ; rien de plus !… Avec le quart des forces maritimes rassemblées à Kronstadt l’Empereur maintiendrait son autorité dans la mer Baltique : et c’est tout ce qu’exige une politique raisonnable.