Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/248

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d’aussi triste que les bords de la Néva. La campagne de Rome est un désert : mais que d’accidents pittoresques, que de souvenirs, que de lumière, que de feu, de poésie : si vous me passiez le mot, je dirais que de passion animent cette terre biblique ! Avant Pétersbourg, on traverse un désert d’eau encadré par un désert de tourbe : mers, côtes, ciel, tout se confond, c’est une glace, mais si terne, si morne qu’on dirait que le cristal n’en est point étamé ; cela ne reflète rien.

Quelques misérables barques, dirigées par des pêcheurs sales comme des Esquimaux, quelques bateaux employés à remorquer de longs trains de boiş de construction destinés à la marine Impériale, quelques paquebots à vapeur, pour la plupart construits et conduits par des étrangers : voilà tout ce qui égayait la scène ; aussi rien ne m’empêchait de m’enfoncer dans mon humeur morose.

Telles sont les approches de Pétersbourg ; tout ce qu’il y avait dans le choix de ce site de contraire aux vues de la nature, aux besoins réels d’un grand peuple, a donc passé devant l’esprit de Pierre le Grand sans le frapper ? La mer à tout prix : voilà ce qu’il disait !!… Bizarre idée pour un Russe que celle de fonder la capitale de l’Empire des Slaves chez les Finois, contre les Suédois ! Pierre le Grand eut beau dire qu’il ne voulait que donner un port à la Russie,