Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

peindre la Russie telle que je l’entrevois du premier coup d’œil et pour tout dire selon mon habitude, sans égard aux inconvénients de ma sincérité, je prévois qu’il faudrait casser bien des vitres….. je n’en casserai, je crois, aucune, la paresse l’emportera.

Rien n’est triste comme la nature aux approches de Pétersbourg ; à mesure qu’on s’enfonce dans le golfe, la marécageuse Ingrie, qui va toujours s’aplatissant, finit par se réduire à une petite ligne tremblotante tirée entre le ciel et la mer ; cette ligne c’est la Russie… c’est-à-dire une lande humide, basse et parsemée à perte de vue de bouleaux qui ont l’air pauvres et malheureux. Ce paysage uni, vide, sans accidents, sans couleur, sans bornes et pourtant sans grandeur, est tout juste assez éclairé pour être visible. Ici la terre grise est bien digne du pâle soleil qui l’illumine, non d’en haut, mais de côté, presque d’en bas : tant ses rayons obliques forment un angle aigu avec la surface de ce sol, disgracié du Créateur. En Russie, les nuits ont une clarté qui étonne, mais les jours conservent une obscurité qui attriste. Les plus beaux ont une teinte bleuâtre.

Kronstadt avec sa forêt de mâts, ses substructions et ses remparts de granit, interrompt noblement la monotone rêverie du pèlerin qui vient comme moi demander des tableaux à cette terre ingrate. Je n’ai rencontré aux approches d’aucune grande ville rien