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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/251

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et la direction des boulets, et sonder la profondeur des deux détroits. Mon expérience, quoique de fraîche date, m’a déjà enseigné à me défier des rodomontades et des exagérations inspirées aux Russes par un excès de zèle pour le service de leur maître. Cet orgueil national ne me paraîtrait tolérable que chez un peuple libre. Quand on se montre fier par flatterie, la cause me fait haïr l’effet ; tant de gloriole n’est que de la peur, me dis-je, tant de hauteur qu’une bassesse ingénieusement déguisée. Cette découverte me rend hostile.

En France comme en Russie, j’ai rencontré deux espèces de Russes de salon : ceux dont la prudence s’accorde avec l’amour-propre pour louer leur pays à outrance, et ceux qui, voulant se donner l’air plus élégant, plus civilisé, affectent soit un profond dédain, soit une excessive modestie chaque fois qu’ils parlent de la Russie. Jusqu’à présent je n’ai été dupe ni des uns ni des autres ; mais j’aimerais à trouver une troisième espèce, celle des Russes tout simples ; je la cherche.

Nous sommes arrivés à Kronstadt vers l’aube d’un de ces jours sans fin comme sans commencement, que je me lasse de décrire, mais que je ne me lasse pas d’admirer, c’est-à-dire à minuit et demi. La saison de ces longs jours est courte, déjà elle touche à son terme.