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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/262

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mer de feu ; enfin c’est un monde nouveau ; si quelque monstre, si quelque figure grotesque se mêle à ces groupes charmants, elle rehausse par le contraste la beauté des tableaux agréables : mais le vent vient-il à changer, ou seulement continue-t-il de souffler, le soleil de baisser : tout a disparu… le rêve est fini, le froid, le vide succède aux créations de la lumière évanouie, le crépuscule s’enfuit avec son cortége d’illusions ; la nuit est venue.

Les femmes du Nord s’entendent merveilleusement à nous laisser croire qu’elles eussent choisi ce que la destinée leur fait rencontrer. Ce n’est pas fausseté, c’est coquetterie raffinée, elles sont polies envers le sort. C’est une grâce souveraine ; la grâce est toujours naturelle, ce qui n’empêche pas qu’on s’en serve souvent pour cacher le mensonge : ce qu’il y a de violent et de forcé dans les diverses situations de la vie disparaît chez les femmes gracieuses et chez les hommes poëtes ; ce sont les êtres les plus trompeurs de la création ; le doute fuit devant leur souffle ; ils créent ce qu’ils imaginent ; nulle défiance ne tient contre leur parole ; s’ils ne mentent pas à d’autres, ils se mentent à eux-mêmes : car leur élément, c’est le prestige ; leur bonheur, l’illusion ; leur vocation, le plaisir fondé sur l’apparence. Craignez la grâce des femmes et la poésie des hommes : armes d’autant plus dangereuses qu’on les redoute moins !